Introduction
Que nous apprend cette exposition ?
La Collection Emil Bührle contient de nombreuses œuvres à la fois uniques et d’une grande valeur en terme d’histoire de l’art. Or compte tenu des circonstances de sa création, elle est aussi extrêmement controversée. Il importe que cette dichotomie soit nommée. Le Kunsthaus Zürich estime que cette collection doit être exposée : Les œuvres ne sont pour rien dans l’indicible injustice commise par les nazis. Mais elles en donnent un témoignage. Elles peuvent être l’occasion de commémorer les victi-mes de la terreur nazie, d’évoquer leur sort et de mener une réflexion critique sur le rôle de la Suisse pendant la Seconde Guerre mondiale.
L’exposition est la première étape d’un processus plus long. Elle soulève des questions, mais ne peut apporter que des ébauches de réponses. Elle retrace aussi le contexte historique dans lequel s’est constituée la collection Emil Bührle et révèle les liens étroits entre la Zürcher Kunstgesellschaft et Emil Bührle. Elle montre l’état actuel des recherches sur l’histoire de certaines œuvres ayant appar-tenu à des collectionneurs et collectionneuses juifs, victimes des persécutions nazies. Le Kunsthaus veut parler de ces sujets-là.
L’exposition se déroule en trois phases. Inaugurée en novembre 2023, elle connaîtra au printemps 2024 un nouvel approfondissement et sera complétée en parallèle par tout un programme de mani-festations. Une troisième phase interviendra après la publication du rapport final de l’historien Raphael Gross à l’été 2024, lequel examine actuellement la recherche de provenance de la Fondation Collection E. G. Bührle.
L’exposition commence dans le passé et termine par des questions sur l’avenir. Différents points de vue sont présentés dans des contributions audio et vidéo. Mais nous aimerions aussi savoir ce que vous-même pensez et ressentez. Pour ce faire, nous proposons une enquête numérique auprès des visiteurs ainsi que, dans la dernière salle de l’exposition, un mur où vous pouvez formuler vos ques-tions et avis. Vous êtes partie prenante du processus par lequel le Kunsthaus repense son rôle dans la société.
Qu’est-ce que la Collection Emil Bührle ?
L’industriel de l’armement Emil Bührle (1890-1956) a constitué une grande collection d'art entre 1936 et 1956. À sa mort, elle comprenait 633 œuvres. La collection s'étend des sculptures médiévales aux œuvres de l'époque moderne classique, en passant par les maîtres anciens néerlandais et italiens. L'accent de la collection est mis sur la peinture des impressionnistes et des postimpressionnistes.
En 1960, les héritiers Bührle ont transféré un tiers de la collection d’art à la Fondation Collection E. G. Bührle et l’ont rendue accessible au public dans une villa de la Zollikerstrasse, à Zurich. Depuis 2021, ces œuvres sont exposées en prêt permanent au Kunsthaus Zürich.
Emil Bührle n’était pas un collectionneur parmi d’autres, il était « l’une des figures les plus controver-sées du XXe siècle en Suisse. Non seulement son ascension sociale fulgurante, sa richesse issue de la vente d’armes avant, pendant et après la Seconde Guerre mondiale ainsi que ses liens avec les milieux conservateurs et d’extrême droite, mais aussi sa prestigieuse collection d’art, qu’il a constituée à l’époque où des œuvres d’art ont été dérobées par les nazis puis qu’il a étendue dans les premières années de la Guerre froide, ne cessent de susciter la polémique depuis 1940 ». (Ueli Müller et Matthieu Leimgruber in Dictionnaire historique de la Suisse, 2023).
Les controverses autour de la Collection Emil Bührle portent sur des œuvres données qui ont appar-tenu à des juifs persécutés pendant la période nazie. Un autre point qui fait débat est que Bührle, en entrepreneur et opportuniste, a construit sa fortune en grande partie avec la vente d’armes, notam-ment à l’Allemagne nazie. Est-il éthiquement recevable d’exposer cette collection dans un musée ? La collection pose-t-elle problème dans son ensemble ? En quoi les œuvres d’art sont-elles fautives ? Le Kunsthaus Zürich se penche lui aussi sur toutes ces questions.
Qu’est-ce que la Collection Emil Bührle ?
L’industriel de l’armement Emil Bührle (1890-1956) a constitué une grande collection d'art entre 1936 et 1956. À sa mort, elle comprenait 633 œuvres. La collection s'étend des sculptures médiévales aux œuvres de l'époque moderne classique, en passant par les maîtres anciens néerlandais et italiens. L'accent de la collection est mis sur la peinture des impressionnistes et des postimpressionnistes.
En 1960, les héritiers Bührle ont transféré un tiers de la collection d’art à la Fondation Collection E. G. Bührle et l’ont rendue accessible au public dans une villa de la Zollikerstrasse, à Zurich. Depuis 2021, ces œuvres sont exposées en prêt permanent au Kunsthaus Zürich.
Emil Bührle n’était pas un collectionneur parmi d’autres, il était « l’une des figures les plus controver-sées du XXe siècle en Suisse. Non seulement son ascension sociale fulgurante, sa richesse issue de la vente d’armes avant, pendant et après la Seconde Guerre mondiale ainsi que ses liens avec les milieux conservateurs et d’extrême droite, mais aussi sa prestigieuse collection d’art, qu’il a constituée à l’époque où des œuvres d’art ont été dérobées par les nazis puis qu’il a étendue dans les premières années de la Guerre froide, ne cessent de susciter la polémique depuis 1940 ». (Ueli Müller et Matthieu Leimgruber in Dictionnaire historique de la Suisse, 2023).
Les controverses autour de la Collection Emil Bührle portent sur des œuvres données qui ont appar-tenu à des juifs persécutés pendant la période nazie. Un autre point qui fait débat est que Bührle, en entrepreneur et opportuniste, a construit sa fortune en grande partie avec la vente d’armes, notam-ment à l’Allemagne nazie. Est-il éthiquement recevable d’exposer cette collection dans un musée ? La collection pose-t-elle problème dans son ensemble ? En quoi les œuvres d’art sont-elles fautives ? Le Kunsthaus Zürich se penche lui aussi sur toutes ces questions.
Un chef-d’œuvre de l’impressionnisme
Le portrait d’une jeune fille
Un tableau spolié par les nazis
Une famille tuée dans les camps de concentration nazis
Voici Irène Cahen d’Anvers (La Petite Irène) de Pierre-Auguste Renoir, le portrait d’une jeune fille considéré par beaucoup comme un chef-d’œuvre. Commandé par les Cahen d’Anvers, une famille juif respectée, il sera plus tard spolié puis restitué après la guerre. En 1949, Emil Bührle acquiert l'œuvre pour sa collection.
Une œuvre d’art peut être regardée et lue de différentes manières. De nombreuses questions peuvent se poser : Est-elle belle ? Techniquement réussie ? Qui l’a peinte ? Que ou combien vaut-elle ? Qui représente-t-elle ? Que savons-nous de la vie de cette personne ? Quelle est la biographie de l’œuvre d’art ?
La commande
La jeune fille que nous voyons ici est Irène Cahen d’Anvers (1872-1963). Sa mère, Louise Cahen d’Anvers, commande ce portrait en 1880 au peintre alors encore inconnu Pierre-Auguste Renoir. Or l’œuvre ne plaît pas à la commanditaire, qui la fait accrocher dans les pièces de service de sa maison. Dès le Salon de 1881 à Paris, les critiques d’art font pourtant l’éloge de l’œuvre. Aujourd’hui, elle est considérée comme l’un des plus beaux portraits de l’artiste.
L’artiste
Pierre-Auguste Renoir, comme tant d’autres artistes impressionnistes, a longtemps vécu dans la pauvreté. Personne ne veut alors acheter ses tableaux. Quelques amis de la bonne société parisienne l’aident à obtenir des commandes de portraits – comme celui d’Irène Cahen d’Anvers. C’est ainsi qu’il se fait connaître et qu’il est aujourd’hui l’un des artistes les plus célèbres de son temps.
La personne peinte
La jeune Irène regarde avec expectative un lieu en dehors de la représentation – son avenir ? En 1891, elle épouse le banquier juif Moïse de Camondo avec lequel elle a deux enfants. Elle quitte son mari pour son amant Carlo Sampieri et se marie en secondes noces avec ce noble italien. La fille de son premier mariage, Béatrice, épouse le compositeur Léon Reinach. En 1933, celle-ci reçoit le tableau en cadeau de sa grand-mère Louise.
L’art spolié
En 1941, le tableau est confisqué par l’organisation de spoliation du régime nazi, le « ERR » (état-major du Reichsleiter Rosenberg), et remis à Hermann Göring, ministre du Reich et commandant en chef de la Luftwaffe. Celui-ci l’échange contre un tondo florentin auprès du marchand d’art Gustav Rochlitz. En 1942, Béatrice Reinach, son mari et leurs deux enfants Fanny et Bertrand sont arrêtés. Tous les quatre sont assassinés à Auschwitz.
Après la capitulation allemande en mai 1945, le tableau est retrouvé à Berlin et restitué à sa pro-priétaire. L’héritière de la famille Reinach est la comtesse Irène Sampieri (née Cahen d’Anvers), modèle de Renoir, mère, belle-mère et grand-mère des Reinach assassinés, Béatrice, Léon, Fanny et Bertrand. En 1949, Irène Sampieri vend l’œuvre restituée à Emil Bührle par l’intermédiaire de l’artiste suisse Werner Feuz.
Ce tableau, très apprécié par beaucoup de gens, est encore aujourd’hui associé aux souvenirs doulou-reux que sont la perte, la souffrance, la mort, le deuil.
Armes et art
Les Nymphéas : un don d’Emil Bührle
Le Kunsthaus Zürich est étroitement lié à l’industriel de l’armement et collectionneur d’art Emil Bührle. Depuis 1940, celui-ci est membre de la commission des collections et c’est lui qui rend possi-ble la construction d’une nouvelle grande salle d’exposition dans les années 1950. Vous en apprendrez davantage à ce sujet dans la salle suivante.
De son vivant, Bührle fait don, entre autres, de deux œuvres de Claude Monet au Kunsthaus. En 1951, il visite l’atelier de Claude Monet à Giverny, près de Paris, en compagnie de René Wehrli, alors directeur du Kunsthaus. À cette occasion, il achète pour le musée Le Bassin aux nymphéas avec iris. Un peu plus tard, il acquiert Le Bassin aux nymphéas, le soir et, pour sa propre collection, Le Bassin aux nymphéas, reflets verts.
Claude Monet : les représentations de nymphéas
À la fin de sa vie, Claude Monet capture sur d’immenses toiles les reflets des nénuphars dans le bassin de son jardin de Giverny. En 1927, un an après sa mort, 22 de ces œuvres qui ont été offertes à l’État français sont installées à demeure à l’Orangerie, dans les Tuileries de Paris. Le public se montre toutefois peu enthousiaste et comme ces tableaux ne suscitent aucune demande, 20 d’entre eux sont délaissés dans l’atelier du peintre après sa mort. En 1951, les Nymphéas ne sont donc pas jugés de la même valeur que d’autres tableaux de Monet. Ils sont plutôt considérés comme des peintures murales, artisanales et décoratives. Or peu après, l’évaluation des toiles de nymphéas connaît un revirement : elles passent aux États-Unis pour résolument modernes et annonciatrices de l’Expressionnisme abstrait. Depuis, leur popularité ne s’est jamais démentie.
Des armes et de l’art : Emil Bührle et le Kunsthaus Zürich
La collection d’art d’Emil Bührle contient des chefs-d’œuvre. Mais elle est également controversée. À partir de 1940, la Zürcher Kunstgesellschaft, l’association dont relève le Kunsthaus Zürich, a été étroitement liée à l’industriel de l’armement et collectionneur Emil Bührle. Celui-ci a été membre de la commission des collections, puis du comité directeur. Il a financé une extension du musée, le bâti-ment dit « Pfister », inauguré en 1958. Depuis 2021, une partie de sa collection est exposée en prêt permanent au Kunsthaus. L’entrée de la collection au Kunsthaus Zürich fait fortement polémique. Grâce à son association avec Emil Bührle, la Kunstgesellschaft a profité des activités contestées de ce dernier, mais elle lui a aussi permis d’évoluer dans les cercles influents de Zurich.
Une carrière fulgurante au sein de la Zürcher Kunstgesellschaft (1940-1956)
Pour Emil Bührle, collectionner de l’art est une passion personnelle. Mais pour cet Allemand d’origine, c’est aussi une façon de se frayer une place parmi les réseaux économiques et les cercles patronaux influents de Zurich. Dans ces cercles-là, au début des années 1940, les opinions pro-allemandes sont largement partagées. C’est ainsi qu’il entre à la Zürcher Kunstgesellschaft, l’association dont dépend le Kunsthaus Zürich.
Dès 1927, Emil Bührle est membre de la Zürcher Kunstgesellschaft. Entre 1936 et 1940 il achète, pour sa propre collection, ses premiers tableaux d’artistes célèbres. Il possède alors plus de 50 œuvres, pour lesquelles il a dépensé 1,4 million de francs suisses. En 1940, il devient membre de la commis-sion des collections qui est responsable des achats du Kunsthaus. C’est son voisin de la Zolliker-strasse, Franz Meyer-Stünzi, également président de la Zürcher Kunstgesellschaft qui l’invite à re-joindre cette commission. Ensemble, Bührle et Meyer-Stünzi contribuent à faire du Kunsthaus un musée au rayonnement national.
Hormis leur intérêt pour l’art, d’autres liens unissent les deux hommes : La banque Leu, où Meyer-Stünzi occupe une position dirigeante, entretient depuis les années 1920 des relations d’affaires avec l’usine de machines-outils Oerlikon (WO) de Bührle. Bührle, quant à lui, se range du côté de Meyer-Stünzi en 1946, lorsque celui-ci est mis en cause dans le scandale de la « Requête des deux cents » : en 1940, des milieux universitaires, politiques et économiques de la droite bourgeoise avaient réclamé que le Conseil fédéral interdise à la presse de critiquer l’Allemagne, ce qui revenait à censurer et s’aligner de manière antidémocratique sur l’Allemagne nazie. Le Conseil fédéral n’a pas donné suite à cette requête, qui n’a été rendue publique qu’en 1946, sur pression de la presse de gauche. Bührle lui-même ne l’avait pas signée.
En 1944, Bührle est élu au comité directeur de la Zürcher Kunstgesellschaft ; en 1953, il en devient le vice-président et prend la présidence de la commission des collections. Dans le comité directeur pré-valent des amateurs d’art issus de l’élite économique et financière zurichoise, aux côtés de représen-tants officiels et de quelques rares artistes. À plusieurs reprises, Bührle rend des acquisitions possi-bles en avançant les sommes nécessaires.
Il prête régulièrement des œuvres de sa propre collection pour des expositions. En 1943, le Kunsthaus monte l’exposition Ausländische Kunst in Zürich (De l’art étranger à Zurich). Près d’un sixième des 480 œuvres exposées proviennent de la Collection Emil Bührle. En 1950, lorsque le nouveau directeur du Kunsthaus, René Wehrli, organise une exposition d’art européen, Bührle met également à disposition des œuvres de sa collection, laquelle s’est entre-temps agrandie, notamment avec Le Garçon au gilet rouge de Paul Cézanne.
La promotion des arts
Pendant la Seconde Guerre mondiale, Bührle s’engage également dans les domaines du théâtre, de la musique classique, de la littérature ou encore dans la promotion des sciences. Il finance par ailleurs la construction de L’Église vieille-catholique à Zurich Oerlikon. Cet engagement a généralement pour but de donner une ligne plus conservatrice à la culture suisse. Il est motivé aussi, en partie, par des considérations fiscales. En 1942, par exemple, il veut faire pression sur l’administration de la ville en finançant la construction d’un nouveau théâtre, afin que le montant passe pour un don déductible de l’impôt sur les bénéfices de guerre. Son action échoue cependant. Le soutien de Bührle n’est donc pas accepté partout avec le même enthousiasme qu’au Kunsthaus. Certains membres de la Société suisse des auteurs (SSA) s’opposent à la création d’un fonds de soutien portant son nom. Bührle crée alors en 1943 la Fondation Emil Bührle pour les lettres suisses et, en 1944, la Fondation Goethe pour l’art et la science, où prédominent des intellectuels de droite.
Le financement d’une extension (1941-1958)
Le Kunsthaus a été érigé en 1910 sur le Heimplatz et agrandi à plusieurs reprises depuis, la première fois par l’architecte Karl Moser en 1925. Dans les années 1930, la Zürcher Kunstgesellschaft envisage une nouvelle extension. En 1938, le directeur Wilhelm Wartmann élabore le projet architectural pour un concours d’idées. Or la planification ne démarre que lorsque Bührle, en 1941, verse deux millions de francs suisses au fonds de construction. Cette somme doit être mise en relation avec les 50 millions de francs que Bührle déclare la même année comme revenu personnel.
Le concours d’architecture est prolongé en raison de la guerre. C’est le bureau Gebrüder Pfister qui le remporte en 1944. En 1946, afin d’accélérer le projet, Bührle verse à nouveau deux millions de francs suisses au fonds de construction. Mais la pénurie de matériaux et la priorité donnée après-guerre à la construction de logements repoussent le début des travaux jusqu’en 1954. De plus, soumise au vote, l’augmentation du budget d’exploitation par la ville est refusée, et la Kunstgesellschaft se retrouve dans une situation financière chancelante. Bührle garantit de prendre en charge l’ensemble des coûts de construction si la ville cède gratuitement le terrain à bâtir au Kunsthaus. Tous les partis, y compris le Parti du travail (PdT, communiste), approuvent « le nouveau bâtiment du Kunsthaus et les 6 millions d’argent sale ». La modification du plan du site est votée en 1954.
Bührle décède au mois de novembre 1956 et n’assiste plus à l’ouverture de l’extension en 1958. L’exposition inaugurale dans la salle de 1200 m² – sans piliers et à éclairage naturel – est la première présentation publique de la Collection Emil Bührle et constitue un événement de société. Pendant plusieurs décennies, la « Bührlesaal » est de loin la plus importante salle du genre de Suisse. Elle accueille d’innombrables expositions d’œuvres d’artistes majeures, de Pablo Picasso et Edvard Munch, jusqu’à Pipilotti Rist ou Ólafur Elíasson. Au fil des années, le Kunsthaus peine à dénommer ainsi la salle d’exposition. Avec la présentation de la Collection Emil Bührle dans le bâtiment Chipperfield en 2021, on abandonne définitivement l'appellation « Bührlesaal » dans le bâtiment Pfister et on utilise désormais le terme « Grosser Ausstellungssaal »"(Grande salle d’expositions).
La donation d’œuvres d’art (1941-1956)
En tant que mécène du Kunsthaus, Emil Bührle investit surtout dans l’extension du musée et donc dans le bâtiment dit « Pfister ». Bien que réticent à faire don d’œuvres d’art, cinq toiles entrent dans les collections grâce à lui : La Porte de l’Enfer d’Auguste Rodin, La Montagne Sainte-Victoire de Paul Cézanne, Le Portrait d’un homme avec chien attribué au Titien à l’époque, mais aussi Le Bassin aux nymphéas avec iris et Le Bassin aux nymphéas, le soir de Claude Monet.
En 1951, René Wehrli, qui s’est déplacé à l’atelier de Claude Monet à Giverny, retourne à Zurich et relate que « quelques Monet tardifs pourraient y être achetés à relativement bas prix », et que ce serait là « une occasion unique, spécialement pour le nouveau Kunsthaus ». Lorsque Bührle entend parler de ces œuvres, il accepte de les acquérir pour le Kunsthaus avant même de les avoir vues, et ce avec l’argent du fonds de construction pour l’extension du bâtiment. Il considère les tableaux, mais aussi La Porte de l’Enfer, comme faisant partie du nouveau pan du Kunsthaus qu’il a lui-même financé, et se laisse ici guider par la notion du « 1% artistique » – lequel prévoit qu’un pourcentage du montant de la construction soit consacré à l’ornementation artistique de l’architecture.
La collection et le Kunsthaus Zürich après la mort d’Emil Bührle (de 1956 à nos jours)
À sa mort en 1956, Emil Bührle ne laisse aucune instruction sur ce qui doit advenir des œuvres de sa collection. Quatre ans plus tard, en 1960, sa veuve Charlotte Bührle-Schalk et leurs enfants créent la Fondation Collection E.G. Bührle, dont le siège est à Zurich. Ils donnent à cette fondation environ un tiers de l’ensemble de la collection, soit 221 œuvres d’art sur 633. Le reste demeure propriété privée. En procédant à la sélection, ils s’assurent que la structure et l’exhaustivité de la collection voulue par Emil Bührle soient conservées au sein de la fondation. Celle-ci est installée dans la villa familiale de la Zollikerstrasse 172 à Zurich. Elle est rendue accessible au public à partir d’avril 1960 et le sera jusqu’à fin mai 2015. Une partie de la collection sera exposée entre 1961 et 2019 dans différents musées, aux États-Unis, au Canada, en Grande-Bretagne, en France, en Allemagne et au Japon.
Dans le sillage du mouvement de 1968 et de l’« affaire Bührle » de 1970 – suite à laquelle le fils Dieter Bührle est condamné pour exportation d’armes illégal vers l’Afrique du Sud et le Nigeria –, la Zürcher Kunstgesellschaft prend ses distances avec la Fondation Collection E.G. Bührle jusqu’au milieu des années 1990.
En 2005, le projet d’une nouvelle extension du Kunsthaus, de l’autre côté de Heimplatz, marque le début d’un nouveau rapprochement. Après les premiers entretiens à la fin des années 1990, un pre-mier accord de principe est signé en 2006 entre la Fondation Collection E.G. Bührle, la Zürcher Kunst-gesellschaft et la famille du donateur. Il est alors envisagé de déménager la collection de la fondation dans l’extension prévue. Le conseil municipal de Zurich ainsi que la population soutiennent cet accord lors de la votation de 2012, avec un taux d’approbation de 53,9 % et une participation de 36,5 %. L’extension par Sir David Chipperfield ouvrira ses portes en 2021 et la Collection Emil Bührle y sera intégrée.
La mise en place et l’entrée de la collection de la fondation au Kunsthaus Zürich font l’objet de vives critiques. Le Schwarzbuch Bührle (Livre noir Bührle), publié en 2015 par Guido Magnaguagno et Thomas Buomberger, examine sévèrement le rôle de Bührle dans la politique et la société mais aussi le thème connexe de l’art spolié et des biens culturels confisqués avec les persécutions nazies. En 2016, la ville et le canton de Zurich confient à une équipe dirigée par l’historien Matthieu Leimgruber une mission de recherche sur la contextualisation de la Collection Emil Bührle. Leur rapport paraît en 2020 et met en évidence toutes les imbrications qui font le réseau d’Emil Bührle, en Suisse et à l’étranger, à la fois en tant que producteur et vendeur d’armes et collectionneur d’art. En 2021, l’historien Erich Keller publie l’ouvrage Das kontaminierte Museum (Le musée contaminé) et donne à entendre une voix importante à propos du marketing de la politique urbaine, des évolutions récentes en matière d’art spolié et de la culture mémorielle en Suisse par rapport à la Seconde Guerre mondiale.
La collection de la fondation a été révélée au public par son entrée au Kunsthaus. Dans les médias et l’opinion publique, elle suscite de vifs débats : La collection doit-elle être exposée dans un musée financé à la fois par des fonds publics et privés ? Contient-elle toujours des œuvres volées ou dont la provenance est douteuse ? Comment un État neutre comme la Suisse a-t-il pu autoriser Bührle à vendre des armes aux nazis ? Les œuvres acquises par Bührle doivent-elles toutes disparaître de la vue du public, dans la mesure où il a amassé une grande partie de sa fortune sur la base de relations commerciales avec l’Allemagne nazie?
En raison des vives controverses sociopolitiques et médiatiques autour de la présentation publique de la Collection Bührle dans le « Erweiterungsbau », la ville et le canton de Zurich avec la Zürcher Kunst-gesellschaft ont mis en place une table ronde sous la direction de Felix Uhlmann. Celui-ci a chargé l’historien Raphael Gross de vérifier la recherche de provenance de la collection de la Fondation Collection E.G. Bührle. Son rapport est attendu pour l’été 2024.
Auguste Rodin, La Porte de l’Enfer
La Porte de l’Enfer d’Auguste Rodin, qui se trouve depuis 1947 à côté de l’entrée principale du bâti-ment Moser, est l’une des donations d’Emil Bührle au Kunsthaus.
En 1880, le sculpteur Auguste Rodin est chargé par l’État français de créer un portail magnifique pour le nouveau bâtiment du Musée des Arts décoratifs à Paris. Le sculpteur propose une porte monumentale en bronze avec des motifs empruntés à la Divine Comédie de Dante. Le musée ne sera jamais construit, mais Rodin a décidé depuis longtemps que ce portail serait une œuvre d’art. Il y travaille jusqu’à sa mort en 1917 et finit par y intégrer 186 figures. Depuis, plusieurs d’entre elles sont devenues célèbres en tant que sculptures indépendantes, ainsi le Penseur sur la partie supérieure. Ce n’est qu’après la mort de Rodin que l’œuvre est coulée en bronze. Il existe à ce jour neuf moulages dans le monde entier.
Le moulage de Zurich est à l’origine une commande du sculpteur allemand Arno Breker pour la Gemäldegalerie de Linz, qu’Adolf Hitler veut transformer en « Musée du Führer ». Cette ambition de représentation n’aboutira jamais. Bien que des paiements aient été effectués pour La Porte de l’Enfer, aucune livraison ne s’est faite jusqu’à la fin de l’occupation allemande en France. L’œuvre reste propriété de la Fonderie Rudier à Paris.
Rudier l’envoie en 1947, avec d’autres moulages, à une exposition de sculptures au Kunsthaus Zürich. Grâce à une subvention de la ville de Zurich, trois œuvres peuvent être acquises à cette occasion. La Porte de l’Enfer est achetée en 1949 grâce au fonds de construction pour l’agrandissement architectural, donc avec de l’argent de Bührle.
Le Titien et Paul Cézanne
En 1941, un groupe d’amis du Kunsthaus se rend avec Emil Bührle dans le Paris occupé. Comme l’écrit le président de la Zürcher Kunstgesellschaft Franz Meyer-Stünzi, le but est d’acquérir des œuvres impressionnistes à bon prix et si possible en dehors des restrictions imposées par le clearing. Tous les paiements effectués à l’étranger doivent en effet être approuvés par le service clearing de l’État. Paris est occupé par la Wehrmacht depuis 1940. De nombreuses œuvres impressionnistes sont sur le marché suite aux persécutions des collectionneurs et galeristes juifs.
À cette occasion, Bührle acquiert pour le Kunsthaus auprès de la galerie Wildenstein un portrait d’homme considéré comme une œuvre du Titien. En rentrant en Suisse, Bührle omet de la déclarer auprès du service clearing. Cette transaction illégale déclenche un violent conflit avec les autorités. Deux conseillers fédéraux interviennent et le litige est réglé à condition que Bührle verse 40 000 francs suisses à la Kunstgesellschaft pour l’achat du tableau de Paul Cézanne, La Montagne Sainte-Victoire. L’attribution au Titien du Portrait d’un homme avec chien acheté à Paris n’est pas vérifiable. C’est pourquoi Bührle cède le tableau au Kunsthaus en 1956. Il est aujourd’hui attribué à Callisto Piazza.
Polyphonie et résonance
La présentation de la Collection Emil Bührle au Kunsthaus Zürich à suscité des controverses et de nombreux débats. Dans cette salle, différentes personnes prennent la parole. Leurs positions sont différentes, parfois antagoniques. Nous vous invitons à écouter ces voix. Et vous, quelle est votre opinion ?
Nous avons posé les trois questions suivantes à tous nos interlocuteurs :
- Que pensez-vous de la Collection Emil Bührle ?
- Qu’attendez-vous d’un musée d’art comme le Kunsthaus Zürich par rapport à la Collection Emil Bührle?
- De votre point de vue, comment la Suisse a-t-elle agi dans le contexte de la Seconde Guerre mondiale (avant, pendant et après), et quelles en sont les conséquences aujourd’hui encore ?
À ces questions ont répondu les personnes suivantes :
- Raphael Denis, artiste-rechercheur
- Yuvviki Dioh, agente pour la diversité, Schauspielhaus Zürich
- Walter Feilchenfeldt, directeur de l’Archive Paul Cassirer & Walter Feilchenfeldt, Zurich
- Felicitas Heimann-Jelinek, judaïste
- Rachel Huber, historien et spécialiste en cultures de la mémoire
- Alexander Jolles, président du conseil de la Fondation Collection E.G. Bührle
- Joseph Jung, historien et publiciste
- Erich Keller, historien et journaliste
- Georg Kreis, historien, membre de la Commission Bergier
- Bärbel Küster, historienne d’art (Université de Zurich)
- Ralph Lewin, président de la Fédération suisse des communautés israélites (FSCI)
- Guido Magnaguagno, historien d’art, vice-directeur du Kunsthaus de Zurich (1980-2000)
- Severin Pflüger, président du FDP de la ville de Zurich (2016-2022)
- Jacques Picard, historien, historien, membre de la Commission Bergier
- Karen Roth-Krauthammer, présidente de l’association Omanut
- Vera Rottenberg Liatowitsch, ancienne juge au Tribunal fédéral
- Dieter Schwarz, ancien directeur du Musée d’art de Winterthur, membre du conseil de la Fondation Collection E. G. Bührle
- Marilyn Umurungi, commissaire d'exposition, créatrice d'art et de culture
- Anita Winter, présidente de la Gamaraal Foundation
Collectionneurs juifs
Confiscations par les nazis et ventes par des personnes persécutées
Cette salle présente une sélection d’œuvres ayant jadis appartenu à des collectionneurs juifs. Nombre de ces personnes ont été visionnaires dans la promotion de l’art impressionniste, postimpressionniste ou du début de l’école moderne en France et en Allemagne.
L’arrivée au pouvoir des nationaux-socialistes en 1933 entraîne la persécution des collectionneurs juifs. Certain.es parviennent à s’enfuir, d’autres sont déporté.es et assassiné.es. Les textes à côté des œuvres retracent la vie et l’histoire de ces personnes et la manière dont leurs œuvres sont entrées dans la Collection Emil Bührle. Les tableaux eux-mêmes ont été confisqués ou vendus.
Après 1945, les anciens propriétaires spoliés déposent plainte devant la Chambre des biens spoliés du Tribunal fédéral suisse et obtiennent gain de cause. Bührle doit restituer les œuvres spoliées. Après la restitution, il en rachète certaines à leurs propriétaires légitimes.
Les ventes par des personnes persécutées sont des œuvres que les propriétaires juifs eux-mêmes ont vendues en dehors de la zone d’influence nazie – par exemple aux États-Unis, en Suisse et dans la France non occupée –, afin de financer leur fuite et de subvenir à leurs besoins. La question de savoir si chacune de ces ventes relève de l’art spolié fait actuellement débat.
Cette nouvelle évaluation fera suite à la publication des résultats de l’enquête de l’historien Raphael Gross. Celui-ci a été chargé de vérifier, de manière indépendante, la recherche de provenance de la Fondation Collection E. G. Bührle. Attendu pour l’été 2024, son rapport donnera lieu alors, sur la base des résultats obtenus, à une réactualisation de l’exposition.
Raphaël Denis
L'artiste français Raphaël Denis (*1979) s'intéresse depuis plusieurs années au thème de l'art spolié. En 2021, le Kunsthaus Zürich a acquis une nouvelle installation de l'artiste intitulée La Loi normale des erreurs: les transactions Göring-Rochlitz.
Grâce à la présence symbolique de « tableaux » emballés, l'installation rend directement perceptible le transfert d'art spolié à l'époque du national-socialisme. Les dossiers d'accompagnement indiquent précisément quelles œuvres ont emprunté quels chemins.
L'installation se réfère aux échanges entre le marchand d'art Gustav Rochlitz et le « ministre du Reich » et commandant en chef de la Luftwaffe Hermann Göring, qui ont eu lieu dans le Paris occupé à partir de juin 1940. Rochlitz disposait de contacts étroits avec l’organisation de spoliation du régime nazi, le « ERR » (état-major du Reichsleiter Rosenberg). En règle générale, les échanges se faisaient avec des œuvres d'art qui avaient été retirées à leurs propriétaires par l'«ERR». Göring lui-même échangeait de telles œuvres avec Rochlitz contre des œuvres plus anciennes qui l'intéressaient pour sa collection privée. Ainsi, Göring profita directement du vol d'œuvres d'art en France occupée.
La plupart des œuvres documentées ici ont été restituées après la guerre. Beaucoup d'entre elles ont rejoint des musées importants comme le Centre Pompidou à Paris. La Collection Emil Bührle est représentée par quatre tableaux dans l'installation de Denis : Irène Cahen d'Anvers (La petite Irène) de Renoir a été restituée dès 1946 et achetée par Bührle en 1949. Bührle a dû lui-même restituer Madame Camus au piano de Degas en 1948. Il avait acquis le tableau en 1942 auprès de la galerie Fischer à Lucerne et l'a acheté une deuxième fois en 1951, après la restitution. Il a également dû restituer lui-même en 1948 un tableau de Matisse, Odalisque avec tambourin (Harmonie en bleu), acquis en 1942 à Zurich auprès de la galerie Aktuaryus - il se trouve aujourd'hui au Norton Simon Museum à Pasadena, en Californie. Bührle n'a pas non plus racheté le tableau de Pablo Picasso, Courses de chevaux à Auteuil, qu'il avait acheté en 1944 chez Juvet à Lausanne et qui a été restitué en 1948 à son propriétaire légitime, Alfred Lindon.
1937-1945
Le Suisse le plus riche grâce à la vente d’armes
À partir de 1940, Emil Bührle ne vend des armes plus qu’à l’Allemagne nazie et à ses alliés. Grâce à ce commerce, il devient le Suisse le plus riche. Sa fortune lui permet de constituer cette prestigieuse collection d’art.
Les œuvres d’art peuvent être exposées de multiples façons : en fonction des mouvements artistiques et du style, rangées par thème ou regroupées par analogie. Dans cette exposition, les œuvres de la Collection Emil Bührle sont montrées chronologiquement, par année d’acquisition, et en regard des événements historiques correspondants. Les intrications entre l’activité de collectionneur de Bührle et son ascension économique sont ainsi rendues visibles.
Emil Bührle commence à collectionner de l’art à partir de 1936. Jusqu’à la fin de la Seconde Guerre mondiale, il acquiert plus de 140 œuvres d’une valeur de 3,3 millions de francs suisse. D’emblée, l’accent est mis sur l’art français au XIXe siècle, de Camille Corot à Vincent van Gogh en passant par Claude Monet. Avec des tableaux de Pierre Bonnard et de Maurice de Vlaminck, il acquiert les premières œuvres modernes du XXe siècle. Ces acquisitions ont lieu à l’époque où l’art est pillé par les nazis. Pour les œuvres montrées dans cette salle, il n’existe aucune indication de spoliation.
Cette collection de chefs-d’œuvre n’est possible que grâce à une fortune provenant chez Bührle majo-ritairement des ventes d’armement. Jusqu’en 1940, son usine de machines-outils Oerlikon Bührle & Co (WOB) livre des armes d’une valeur de 88 millions de francs suisses, notamment entre autres à la Grande-Bretagne et à la France. En accord avec le Conseil fédéral suisse, et malgré la politique de neutralité de la Suisse, des livraisons sont effectuées à partir de 1940 exclusivement aux puissances de l’Axe – pour une valeur de 420 millions au Reich allemand national-socialiste, à l’Italie fasciste et à la Roumanie. Pendant la guerre, WOB est l’une des entreprises les plus exportatrices et l’un des plus gros employeurs de la région industrielle de Zurich.
En outre, Bührle reçoit près d’un million de francs suisses de royalties de la Maschinenfabrik GmbH Ikaria, à Velten près de Berlin : cette entreprise d’armement recourt pour sa production au travail forcé des ouvrières des camps de concentration. Bührle profite financièrement de la guerre et de l’exploitation, et il devient en 1945 l’homme le plus riche de Suisse avec une fortune de plus de 160 millions de francs.
La recherche de provenance
Le parcours des oeuvres d’art : focus sur la recherche de provenance
La recherche de provenance a pour mission d’examiner le contexte historique dans lequel des œuvres d’art ont été acquises : qui a acheté quelle œuvre, quand et dans quelles circonstances ? Une attention particulière est portée sur les œuvres d’art qui ont changé de propriétaires à l’époque du national-socialisme. Mais comment se déroule la recherche de provenance et quels sont ses objectifs ? Com-ment la recherche de provenance s’est-elle développée en Suisse ? Que couvre la stratégie de prove-nance adoptée au Kunsthaus Zürich en 2023 ? Des réponses à ces questions se trouvent dans les tiroirs de cette salle.
Un exemple en est donné par le tableau La Sultane d’Édouard Manet, qui appartenait autrefois à un entrepreneur juif de Breslau, Max Silberberg (1878–1942), persécuté et assassiné par les nazis. Il a vendu le tableau en 1937 à Paris, alors non encore occupé et hors de la sphère d’influence nazie. Bührle l’a acquis en 1953. La vente de Silberberg en 1937 soulève des questions majeures dans le débat international actuel sur l’art pillé par les nazis, en ce qui concerne les ventes effectuées par des collectionneuses et collectionneurs persécutés entre 1933 et 1945, en dehors du champ de pouvoir nazi. Nous montrons ici les résultats (en date d’avril 2023) de la recherche de provenance menée par la Fondation Collection E. G. Bührle.
Les résultats et évaluations des recherches de provenance activement menées par la fondation depuis les années 2000 ont été vivement critiqués. En conséquence, la ville et le canton de Zurich ainsi que la Zürcher Kunstgesellschaft ont demandé l’examen indépendant des recherches effectuées. Celui-ci s’effectue sous la direction de l’historien Raphael Gross, sans que l’on sache quelles œuvres sont con-cernées. Ce rapport est attendu pour l’été 2024. Les tiroirs de droite, actuellement vides, sont réservés à ces nouveaux résultats. Ils nous rappellent aussi que les recherches ne sont jamais achevées.
Max Silberberg, 1878-1942
Max Silberberg était entrepreneur à Breslau et amateur d’art. Dans les années 1920, sa collection comptait environ 250 peintures, dessins et sculptures. En 1930, la presse berlinoise classait Silberberg parmi les quatre collectionneurs d’art « connus dans le monde entier ».
Le tableau La Sultane d’Édouard Manet était propriété de Max Silberberg depuis 1928. En raison de la crise économique mondiale, celui-ci vend certaines de ses œuvres françaises à Paris en 1932, mais pas La Sultane. L’arrivée des nazis au pouvoir le 30 janvier 1933 ébranle fondamentalement les con-ditions de vie de la population juive, à laquelle appartenait Silberberg. Les mesures discrimina-toires et les impôts à payer appauvrissent la famille Silberberg, alors contrainte de vendre une partie de la collection. D’autres pièces sont volées ou mises en gage par les nazis. Silberberg doit vendre sa villa au service de sécurité SS, son entreprise est liquidée d’office. En 1942, Max et Johanna Silberberg sont déportés et assassinés dans un camp de concentration ; leur fils Alfred s’enfuit en Grande-Bretagne avec sa femme Gerta en 1939.
Le tableau La Sultane a probablement été déposé à la galerie Paul Rosenberg à Paris avant 1933, donc hors de la sphère d’influence nazie. Le marchand d’art Rosenberg l’a acheté à Max Silberberg en 1937 pour 17 800 dollars et envoyé à New York en 1939. Rosenberg, juif lui-même, a dû également fuir et arrive aux États-Unis en 1940. Emil Bührle achète le tableau à Paul Rosenberg en septembre 1953 à New York pour 58 500 dollars.
Un cas qui fait débat : possible vente forcée en 1937 ?
La vente du tableau La Sultane, à Paris en 1937, soulève des questions capitales dans le débat inter-national mené actuellement sur l’art pillé par les nazis : le tableau n’a pas été confisqué dans l’Alle-magne nazie, mais vendu dans la partie de la France encore non occupée. La vente a eu lieu en dehors de la sphère d’influence nazie, mais les propriétaires juifs de l’œuvre ont été persécutés par le régime national-socialiste dès 1933. Il importe donc de clarifier si, selon les termes de la Déclaration de Terezín, la vente ne doit pas quand même être qualifiée de confiscation due aux persécutions nazies.
Depuis les années 1990, diverses œuvres provenant de musées publics et privés d’Europe et des États-Unis ont été restituées aux héritiers de Max Silberberg. Il s’agit principalement d’œuvres achetées aux enchères forcées à Berlin en 1935 ou confisquées et vendues par les autorités nazies. Un différend oppose actuellement les représentants des héritiers Silberberg et la Fondation Collection E. G. Bührle sur l’évaluation de ce cas. La vente du tableau La Sultane, présenté ici, ayant eu lieu en 1937 dans le Paris inoccupé, est-elle à considérer comme une « extorsion due aux persécutions nazies » ? Le collectionneur Max Silberberg, qui se trouvait dans l’Allemagne nazie, donc pas en dehors de la sphère d’influence nazie, a-t-il reçu les recettes de la vente et a-t-il pu en disposer librement ? Dans l’évalua-tion des événements historiques par la fondation, la persécution de Max Silberberg comme cause possible de la vente à Paul Rosenberg en 1937 n’est pas prise en compte.
Actuellement, l’historien Raphael Gross examine de manière indépendante les résultats de la re-cherche de provenance de la fondation, sans que l’on sache quelles œuvres sont concernées. Les résultats sont attendus pour l’été 2024 et seront rendus accessibles dans cette exposition.
Glossaire
La recherche de provenance
L'objectif de la recherche de provenance est d'établir les conditions de propriété des œuvres d'art depuis leur création. L'accent est mis sur les œuvres qui ont changé de propriétaire à l'époque du national-socialisme et de la persécution et de l'assassinat des juifs et des autres minorités.
Les biens culturels soustraits aux persécutions nazies (= art spolié)
Sont considérés comme art spolié par le régime national-socialiste les biens culturels que les nazis ont soustraits à leurs propriétaires, principalement juifs, entre 1933 et 1945. Cela s'est fait par des confiscations, des ventes forcées et d'autres mesures exécutées sous pression. Les ventes en dehors de la zone du pouvoir nazi, qualifiées jusqu'à présent en Suisse de «biens en fuite», peuvent également en faire partie.
La «Déclaration de Washington» (1998) et la «Déclaration de Terezín» (2009)
La Déclaration de Washington constitue la base de la recherche et du traitement des biens volés par les nazis. Elle a été adoptée par 44 États, dont la Suisse, sous la forme d'une déclaration non con-traignante sur le plan juridique. Son objectif est tout d'abord d'identifier l'art spolié par les nazis. En cas de questions de propriété litigieuses, des mécanismes alternatifs de résolution, tels que des com-missions, doivent être mis en place et des «solutions loyales et équitables» doivent être trouvées entre les descendants des anciens propriétaires et les propriétaires actuels.
La Déclaration de Terezín a élargi la définition de l'art spolié dans la Déclaration de Washington. Avec cette déclaration, les biens culturels vendus sous pression en raison des persécutions nazies seront également soumis à une réglementation.
Les solutions loyales et équitables
Les «solutions justes et équitables» comprennent un éventail de mesures différentes. Il est par exem-ple possible d'apprécier publiquement les circonstances de la spoliation d'une œuvre dans le cadre d'une exposition ou de mentionner l'histoire de la provenance de l'œuvre exposée dans le musée. Le paiement d'une indemnisation est également une solution. Il est même possible de convenir de la vente de l'œuvre à des tiers avec partage du produit de la vente ou prêt ultérieur aux propriétaires actuels. La mesure la plus connue est la restitution.
1946-1950
Nouvelles configurations économiques et extension des collections
Après la Seconde Guerre mondiale, Bührle a des difficultés sur le marché de l’armement international. Néanmoins il s’établit dans le nouvel ordre mondial de la Guerre froide en tant qu’industriel de l’armement et collectionneur d’art.
Entre 1946 et 1950, Bührle acquiert 53 œuvres pour un montant de 4,4 millions de francs suisses, dont deux tableaux qui sont encore aujourd’hui les fleurons de la collection : Le Garçon au gilet rouge de Paul Cézanne et La Petite Irène de Pierre-Auguste Renoir. Selon le modèle d’Oskar Reinhart à Winter-thour, Bührle veut harmonieusement associer des œuvres d’art ancien et moderne. Il achète ainsi un autoportrait de Rembrandt et un deuxième autoportrait de Vincent van Gogh. Il s’avérera plus tard que les deux tableaux ne sont pas des originaux.
Sa collaboration économique avec l’Allemagne nazie a fortement terni la réputation de la Suisse auprès des Alliés. Pendant la Seconde Guerre mondiale, les États-Unis tiennent une liste noire, un registre des entreprises à boycotter qui livrent des armes aux puissances de l’Axe. Entre 1941 et 1946, l’usine de machines-outils Oerlikon Bührle & Co (WOB) figure sur cette liste aux côtés d’autres com-pagnies suisses. La Suisse affronte les sanctions économiques qui la menacent par des efforts diplo-matiques qui aboutiront à un accord avec les Alliés en 1946. Elle s’engage alors à payer des répara-tions à hauteur de 250 millions de francs suisses pour la reconstruction de l’Europe, en échange de quoi elle est rayée de la liste noire. L’accord ouvre à nouveau à la WOB l’accès aux marchés des États-Unis, de la Grande-Bretagne et d’autres États du Bloc de l’Ouest en train de se former ; il lui permet aussi la réussite économique.
1951
Expansion outre-Atlantique
Les bénéfices tirés de la production et de la vente d’armes contribuent à accroître la fortune de Bührle. Ils lui permettent d’être énormément actif sur le marché de l’art.
C’est à partir de 1950 que la Collection Emil Bührle connaît son plus grand développement. En peu de temps, plus de 400 œuvres s’ajoutent aux 200 existantes, dont des chefs-d’œuvre de Vincent van Gogh, Paul Cézanne et Amedeo Modigliani, qui coûtent plus de 30 millions de francs suisses à Bührle. Il en achète un grand nombre à Londres et New York où le marché de l’art est en plein épanouissement après la Seconde Guerre mondiale et où il se rend en voyage d’affaires.
Dans les années 1950, la politique mondiale est dominée par la Guerre froide. Les deux puissances victorieuses de la Seconde Guerre mondiale – les États-Unis (USA) et l’Union soviétique (URSS) – sont en pleine rivalité. D’où une course aux armements pour protéger les intérêts idéologiques et économiques respectifs.
Les zones d’influence des deux superpuissances sont le théâtre de guerres par procuration. L’une des plus dévastatrices est la guerre de Corée, qui oppose le Nord (pro-URSS) et le Sud (pro-USA). En 1951, le commandement militaire américain décide d’y utiliser en grande quantité des propulseurs à poudre de l’usine Bührle.
1952
Guerre froide et portrait expressionniste
Grâce à sa fortune et à ses relations commerciales avec les États-Unis, Bührle s’assure dans les premières années de la Guerre froide une position influente en tant qu’employeur, exportateur d’armes et mécène.
L’année 1952 marque pour la Collection Emil Bührle l’achat d’importants tableaux français, avec des chefs-d’œuvre de Paul Gauguin, Edgar Degas et Paul Cézanne. L’artiste expressionniste autrichien Oskar Kokoschka peint un portrait d’Emil Bührle. La commande est notoire : le peintre et l’industriel ont tous deux vécu les deux grandes guerres du XXe siècle en Europe, mais dans des positions totale-ment opposées. Kokoschka, calomnié comme « dégénéré » par les nazis, critique fermement le ré-gime national-socialiste et condamne la guerre. Ils partagent cependant une même conception de l’art : tous deux rejettent l’art abstrait.
Au début des années 1950, l’usine de machines-outils Oerlikon Bührle & Co (WOB) vend de l’armement à la République fédérale d’Allemagne et approvisionne les pays de l’OTAN par l’intermédiaire de sa filiale Contraves en Italie. En 1952, Bührle s’assure un gros contrat de plus de 140 millions de francs suisses auprès du ministère américain de la Défense et, en tant qu’employeur majeur, il fait pression sur le gouvernement suisse pour que celui-ci lui accorde les licences d’exportation nécessaires. Par-allèlement, les tensions de la Guerre froide et l’anticommunisme répandu en Suisse créent des con-ditions favorables au développement de l’armée. La WOB obtient d’importantes commandes du Conseil fédéral et confirme ainsi sa position de leader dans l’équipement national en matériel de guerre.
1953
Stratégie et opportunité
Lorsqu’il achète de l’art, Emil Bührle procède selon ses préférences personnelles, mais aussi en raison de considérations stratégiques : il veut renforcer sa réputation. Aussi il livre des armes à n’importe quel acheteur, cherchant avant tout à maximiser le profit.
Emil Bührle se montre sceptique face à l’art moderne à partir de 1900. Dans un premier temps, les œuvres de Pablo Picasso ne le convainquent. Pourtant, entre 1953 et 1955, il achète cinq de ses toiles, et l’on voit Fleurs et citrons sur les deux photos de Bührle parmi sa collection. Les photos ont été prises en 1954 pour le magazine américain LIFE. En achetant des œuvres de Picasso et en se ainsi mettant en scène, Bührle montre qu’il s’est également ouvert à l’art moderne.
Dans le monde entier, de nombreux États tentent de participer à la course aux armements de la Guerre froide. Après la Seconde Guerre mondiale, les colonies européennes se battent également pour leur indépendance. L’usine de machines-outils Oerlikon Bührle & Co (WOB) profite des fortes deman-des qu’occasionnent ces guerres et ces conflits violents allant de pair avec la construction des jeunes nations. Au fil des années, la WOB vend des armes d’abord à l’Allemagne nazie, puis aux États-Unis, aux puissances occidentales et aux anciennes colonies qui tentent de se soustraire à ces puissances. En Éthiopie, par exemple, la WOB, dans les années 1930, livre des armes à l’empereur, puis à l’occu-pant fasciste italien et après la Seconde Guerre mondiale à la monarchie qui fait son retour.
1954
Exploitation et investissement
Au fil des ans Bührle investit plusieurs millions dans le Kunsthaus. À la même époque l’usine textile Dietfurt AG de Bührle emploie des travailleuses forcées. Le Kunsthaus profite indirectement de cette exploitation.
Le 14 juin 1954, Bührle donne une conférence portant sur le devenir de sa collection. Le texte de cette intervention est le seul document dans lequel il parle de ses motivations de collectionneur. Sa pré-dilection va à la peinture française et sa collection contient également 90 sculptures médiévales. L’intérêt de Bührle pour l’art religieux commence pendant ses études, mais s’explique aussi par son appartenance à l’Église catholique-chrétienne.
Dans son exposé, il promet de montrer sa collection dans la nouvelle salle d’exposition en projet au Kunsthaus. L’année 1954 enregistre une augmentation record avec 103 acquisitions. La même année, les travaux d’agrandissement commencent. Bührle s’est engagé à prendre en charge la totalité des coûts, soit 6 millions de francs suisses.
À la même époque, des jeunes femmes sont forcées de travailler dans l’usine de Bührle, la Dietfurt AG, dans le Toggenburg. Bührle l’a achetée cette usine textile à bas prix à des réfugiés juifs pendant la Seconde Guerre mondiale. Le travail forcé est certes interdit en Suisse depuis 1941, mais jusqu’au milieu des années 1970, les autorités communales forcent de nombreuses jeunes femmes à travailler dans différentes usines sans décision de justice. Elles perçoivent tout au plus une modeste rétribution et vivent comme des « assistées » dans le foyer de l’usine. Bührle profite de l’exploitation , tolérée par l’État, de cette main-d’œuvre tout en évoluant comme mécène du Kunsthaus Zürich.
1955
« Une force sur le marché [de l’art] »
Grâce à son immense fortune et à sa position d’entrepreneur majeur, Bührle influence la société et le marché de l’art.
Après-guerre, le marché international de l’art connaît un essor considérable. En 1955, le magazine américain Fortune qualifie Bührle de « force sur le marché [de l’art] » (a force on the [art] market). Il continue à collectionner les maîtres anciens et l’art des années 1900. Cette salle est marquée par une triade inhabituelle de peintures de Jean-Auguste-Dominique Ingres, Henri Fantin-Latour et Georges Braque, réalisées entre 1811 et 1912. Ces œuvres illustrent de manière impressionnante cent années décisives de l’histoire de l’art français, qui compte particulièrement pour Bührle.
Pendant la Guerre froide, la Suisse fait clairement partie du bloc occidental et l’anticommunisme est largement répandu. Dans ce contexte, Bührle intervient en 1955 devant la « Zürcher Volkswirtschaft-liche Gesellschaft » (Société économique de Zurich) à propos de l’entrepreneuriat et rejette l’ingérence de l’État dans les activités économiques. Il évite de mentionner le rôle de l’Allemagne nazie dans l’expansion de l’usine de machines-outils Oerlikon Bührle & Co (WOB). Par ailleurs, il établit un lien clair entre la production d’armes de son entreprise, la défense de la Suisse et le combat de l’Occident contre le bloc communiste de l’Est.
De 1956 à aujourd’hui
Un héritage controversé
Après la mort d’Emil Bührle, l’entreprise et la collection restent la propriété de la famille, qui transfère une partie des œuvres à une fondation en 1960. Les controverses concernant la collection commencent dans les années 1990 et se poursuivent jusqu’à aujourd’hui.
Emil Bührle décède subitement le 28 novembre 1956. Son fils Dieter prend la direction de l’usine de machines-outils Oerlikon Bührle & Co (WOB). Les controverses, enflammées dès les années 1940, sur les pratiques commerciales de cette dernière atteignent un nouveau sommet en 1970 avec la condam-nation de Dieter Bührle pour exportation illégale d’armes vers l’Afrique du Sud et le Nigeria. En 1999, Oerlikon-Bührle se sépare de son secteur armement. Aujourd'hui encore, Rheinmetall produit à Oerlikon des systèmes d’armement pour la défense antiaérienne.
Dans la dernière année de sa vie, Emil Bührle achète 46 œuvres, de Bernardo Strozzi à Paul Gauguin et Paul Cézanne. À sa mort, il laisse 633 œuvres. Le 7 juin 1958, l’extension du Kunsthaus, financée par Bührle, est inaugurée avec la présentation de sa collection. En 1960, la famille en transfère environ un tiers à la Fondation Collection E.G. Bührle. Le reste de la collection demeure la possession des co-héritiers.
À partir des années 1990, l’origine (provenance) de certaines œuvres donne lieu à d’importants débats. Après des années de négociations et une votation populaire favorable en 2012, la collection de la fon-dation fera l’objet d’un prêt longue durée au Kunsthaus Zürich à l’automne 2021.
Au XXIe siècle, la Collection Emil Bührle fait toujours polémique. Elle renferme des chefs-d’œuvre et revêt une grande valeur historique et artistique. Mais elle contient aussi des œuvres ayant appartenu à des victimes des persécutions nazies et elle est directement liée, par le biais des activités entre-preneuriales de Bührle, au travail forcé, aux victimes du régime nazi et aux nombreux conflits armés du XXe siècle.
L'avenir. Comment?
Cette exposition propose une nouvelle approche de la collection et de son histoire, lesquelles sont indissociables de Zurich et du Kunsthaus. Affronter cette histoire est un processus encore inachevé.
Un avenir pour le passé
À l’heure actuelle, nous ne savons pas quel sera l’avenir de la Collection Emil Bührle au Kunsthaus Zürich. Cette exposition relève de l’instant présent, elle est une étape dans un processus plus long. D’autres étapes suivront avec des publications supplémentaires, des manifestations connexes et des adaptations de l’exposition lorsque les résultats des recherches de Raphael Gross auront été publiés.
L’avenir est encore incertain, mais nous sommes heureux d’être là, ici et maintenant, pour dialoguer avec vous. Dans cette salle, c’est votre avis qui compte.
Nous vous invitons à noter vos propres réflexions et commentaires sur les cartes bleues. Vous pourrez également voir, comment les autres visiteurs et visiteuses ont répondu à l’enquête numérique. Si vous préférez un entretien individuel, venez donc au rendez-vous hebdomadaire « Le Kunsthaus à l’écoute ». Chaque semaine, un collaborateur ou une collaboratrice du Kunsthaus prend place à la table et reste à votre disposition pour échanger des idées.
« Le Kunsthaus à l’écoute »
a lieu tous les mercredis, sauf avant les jours fériés, entre 16:15 et 18:00. L'entrée à la collection est gratuite le mercredi.
Visualisation de la Collection Emil Bührle
À sa mort, Emil Bührle laisse derrière lui une collection de 633 œuvres. En 1960, la famille en trans-fère environ un tiers à la Fondation Collection E.G. Bührle. En 2023, ce fonds comprend 203 œuvres qui, en 2021, ont été prêtées de manière permanente au Kunsthaus Zürich. Le reste de la collection demeure possession des cohéritiers. Une partie en a été vendue.
Les 633 œuvres de la collection originale figurent toutes dans ce système de visualisation. Vous pouvez trier les œuvres par année d’achat, par lieu d’achat ou par prix d’achat payé par Bührle. Des filtres permettent de regrouper les œuvres selon les époques ou de mettre en évidence les contrefaçons. Vous pouvez également rechercher les œuvres spoliées par les nazis entre 1933 et 1945 ou vendues par des collectionneurs juifs en dehors de la sphère du pouvoir nazi.
Plus Bührle a acheté d’œuvres à des marchands ou collectionneurs, plus leur nom s’affiche en grand. Il est aussi possible de visualiser lesquelles de ces personnes ont été persécutées sous le national-socialisme et ont dû fuir.
Cette visualisation a pour base le catalogue général de la Fondation Collection E. G. Bührle (Hirmer Verlag / SIK-ISEA 2021) ainsi que les données du rapport de recherche Kriegsgeschäfte, Kapital und Kunsthaus. Die Entstehung der Sammlung Emil Bührle im historischen Kontext (Kölliken 2021), établi sous la direction de Matthieu Leimgruber. L’ensemble des données sont réutilisables et publiées sur GitHub. La recherche n’est pas terminée. Lorsque de nouveaux résultats sont disponibles, les données sont mises à jour.